L’architecte qui ne tient pas compte des contraintes du sol engage sa responsabilité décennale

Décryptage de la décision de la Cour de cassation du 15 février 2024 (n° 22-23.682 F-D)

Un architecte est chargé de réaliser un dossier de permis de construire et de rédiger les documents de consultation des entreprises en vue de la réalisation d’une maison d’habitation. Un bureau d’étude béton réalise les plans de structures. Après obtention du permis, les travaux de gros œuvre sont confiés à une entreprise. Après achèvement des travaux, des fissures en façade apparaissent et les constructeurs sont assignés aux fins d’indemnisation sur le fondement de l’article 1792 du Code civil. Le maître de l’ouvrage vend la maison en cours de procédure et l’acquéreur la détruit. L’action se poursuit néanmoins contre les constructeurs.

La cour d’appel met hors de cause l’architecte et le bureau d’étude béton. Elle prononce en revanche une condamnation partielle de l’entreprise chargée du gros œuvre et de son assureur en retenant l’acceptation des risques par le maître de l’ouvrage.

SOLUTION RETENUE PAR LA COUR DE CASSATION :

Cassation de l’arrêt d’appel sur le fondement de l’article 1792 du Code civil.

La Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir mis hors de cause l’architecte en retenant que :

-. sa mission s’était limitée au permis de construire

-. et qu’il avait conseillé au maître de l’ouvrage de faire une étude de sol.

Elle rappelle que, selon l’article 1792 du Code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination, une telle responsabilité n’ayant point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Or, les fissures en façade tenant à l’absence de prise en compte des contraintes du sol sont imputables à l’architecte et une acceptation délibérée des risques par le maître de l’ouvrage n’a pas été caractérisée par la cour d’appel.

La Cour de cassation censure également la cour d’appel pour avoir mis hors de cause le bureau d’étude béton au motif qu’il avait averti le maître de l’ouvrage de la nécessité de dimensionner les fondations après réalisation d’une étude de sol, et que ce dernier ne démontrait pas que les plans avaient été transmis à l’entreprise de gros œuvre. 

La Haute Juridiction rappelle que c’est au locateur d’ouvrage de démontrer l’existence d’une cause étrangère exonératoire de responsabilité.

Enfin, la Cour de cassation casse l’arrêt pour avoir retenu l’acceptation délibérée des risques par le maître de l’ouvrage et limité son indemnisation par l’entreprise de gros œuvre et son assureur au motif, notamment, qu’il avait été informé par l’architecte et le bureau d’étude béton de la nécessité de faire procéder à une étude de sol indispensable à la conception de fondations. 

Elle considère que la cour d’appel n’a pas précisé en quoi le maître de l’ouvrage avait été parfaitement mis en garde et informé des risques encourus par l’ouvrage à défaut de suivre le conseil donné de réaliser une étude de sol.

Cass. 3e civ. 15-2-2024 n° 22-23.682 F-D, U. c/ Sté Maaf assurances

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